(Voir les masques et statues Igbo actuellement en vente)
(Source carte : L'Art tribal d'Afrique noire de J-B Bacquart, éditions Thames & Hudson)
Implanté au nord du delta du Niger, le peuple Igbo (aussi appelé Ibo) est la troisième plus grande ethnie du Nigeria. Avec un peu moins de trente millions d’individus, le territoire Igbo regroupe une multitude de clans qui s’organisent autour d’un ancêtre mâle commun. Chaque clan est une société patriarcale divisée en classes d’âge. Les hommes les plus âgés font donc partie du rang le plus élevé du clan.
Après la colonisation britannique en 1870, les Igbos se sont massivement convertis au catholicisme. L’ethnie conserve tout de même des traces de la religion polythéiste traditionnelle, l’Odinani. L’art Igbo s’inspire de nombreux esprits et divinités et est prolifique en masques, statues et autres objets de culte.
Que représente l’art Igbo ?
En raison de la diversité du peuple Igbo, il est impossible de définir un style artistique unique et propre à l’ethnie. Chaque région produit des masques, des statues qui ne se ressemblent pas, mais qui ont une même fonction religieuse.
En effet, l’art Igbo est en lien étroit avec le panthéon de l’Odinani qui comporte un nombre impressionnant de divinités. Ces dieux et déesses sont appelés les Alusi. Parmi les plus importants, on retrouve Ala, la déesse-mère et son époux Amadioha, dieu du tonnerre et de la foudre. Il existe aussi des Alusi pour la divination, la protection des plantations d’igname, le jugement des criminels, etc.. Certains sont parfois représentés sous les traits d’un colon blanc. Bien que la société Igbo soit patriarcale, les femmes ne sont pas en reste dans le domaine des arts. Le rôle de l’artiste n’est pas uniquement réservé aux hommes du clan, les disciplines sont réparties entre les sexes. Alors que les hommes sont généralement des forgerons et des sculpteurs, les femmes sont en charge de la céramique, de la peinture et du tissage.
Les statues Igbo
Les Ikengas
Les statues Ikenga sont des représentations masculines d’Alusi. Ce type de sculpture est commun à l’ensemble des clans du territoire Igbo. La représentation la plus courante d’Ikenga est une figure anthropomorphe coiffée d’une grande paire de cornes et assise sur un tabouret.
Ces statues sont dédiées à l’esprit de la main et du bras droit d’un homme, car ils symbolisent sa force et son courage.
Les Ikenga doivent être consacrés afin d’être activés spirituellement. Pour l’occasion, un parent ou un homme du conseil sacrifie de l’igname, un coq, du vin ou des graines de kola. Ensuite, le dévot fait des offrandes quotidiennes à son Ikenga avec du vin et des graines de kola. Pour les grands événements, il peut pratiquer des libations avec du sang de coq ou de bélier afin de s’attirer les faveurs de l’esprit.
Chaque année, les Ikenga sont célébrés au cours d’un festival organisé en leur honneur.
Les autres statues
L’univers vu par les Igbo est divisé en plusieurs mondes interconnectés, le principal étant celui des êtres vivants, puis le monde des morts ou des ancêtres et le monde des enfants à naître. Les personnes qui mènent une vie vertueuse et qui reçoivent des funérailles dignes se rendent au royaume des ancêtres pour ensuite veiller sur leur clan. Ils sont capables de bénir les vivants en leur apportant fertilité, santé, longévité et prospérité. En signe de gratitude, les vivants leur font des offrandes et des sacrifices.
Il existe donc des statues pour représenter ces ancêtres, mais aussi d’autres divinités, des animaux ainsi que tous les habitants de ces différents mondes. Ces statues peuvent être sculptées dans du bois ou bien façonnées en terre cuite.
Les masques
Comme nous l’avons mentionné plus haut, il est difficile d’établir des généralités sur le rôle des masques dans la vaste culture Igbo. Les masques Igbo représentent non seulement divers esprits, mais opposent aussi la beauté à la bestialité, le féminin au masculin, le noir au blanc. Faits de bois ou de tissu, ils sont utilisés pour une multitude d’occasions comme les satires sociales, les rituels sacrés en honneur des dieux ou des ancêtres, les initiations, les inhumations et fêtes publiques qui incluent désormais le jour de Noël et de l’indépendance. En plus de masques finement travaillés, les danseurs portent des costumes très élaborés avec parfois des petits miroirs.
Le plus courant de ces masques glorifie la beauté et la jeunesse. Le masque de jeune fille défunte est un thème partagé par toute l'ethnie. Ces agbogho mmwo (agbogho : femme, mmwo : défunte) capturent l’esprit d’une jeune femme dans la fleur de l’âge, parée de sa coiffe de cérémonie de mariage. Ce n’est pas le portrait d’une jeune femme en particulier, mais bien une allégorie des valeurs de beauté et de pureté Igbo.
Le blanc du kaolin appliqué sur le visage de ces masques-heaumes fait référence à la mort et plus précisément au monde des ancêtres et des esprits. Le visage de la jeune femme est recouvert de scarifications symboliques du clan pour lequel le masque est sculpté. Les jeunes filles portent ces agbogho mmwo au cours de cérémonies initiatique ou lors de fêtes annuelles.
Le Mbari
Impossible d’écrire sur l’art Igbo sans mentionner le Mbari. Le Mbari est une pratique artistique rituelle qui consiste à édifier une hutte sacrée. L’ensemble de la construction est une pratique propitiatoire à part entière, il vise à apaiser les Alusi.
(Source : Art & life in Africa - University of Iowa)
Le monument est un mélange d’architecture, de sculpture, de bas-reliefs et de peinture réalisés par un artiste professionnel ou « maître d’œuvre » dont le style personnel se retrouve dans le modelage, en particulier dans les têtes des statues. Les huttes Mbari peuvent contenir jusqu’à 200 figurines sculptées et s’étendre sur plusieurs étages.
Leur construction prend plusieurs années et une fois la bâtisse achevée, elle est inaugurée par le conseil d’anciens du village. Ensuite, personne n’est autorisé à pénétrer la hutte sacrée ni même à poser les yeux sur elle. Étant un acte sacrificiel, le Mbari ne peut être entretenu et se décompose lentement pour retourner à la Terre-Mère.